L'oignon " rosé " qui est la spécificité de la région de Roscoff a été apporté du Portugal au XVII ème siècle par un moine capucin qui apprit à ses voisins du couvent de Roscoff à cultiver cet oignon doux, parfumé, fondant à la 1ère cuisson.
En 1828, un cultivateur de Roscoff, Henri Ollivier, eut l'idée de charger une gabarre de ces oignons pour aller les vendre en Angletterre.
Ce fut le début d'un commerce qui s'est poursuivi jusqu'à nos jours.
Les oignons et les hommes ont longtemps été transportés Outre-Manche par des bateaux à voile : goélettes, dundees venant de la côte du Tregor ; Perros-Guirec, Pleubian.
Cette marine à voile s'éteignit au moment de la 2ème guerre mondiale ; les cargos l'avaient remplacée, impliquant concentration des marchandises exportées et recours aux services d'affréteurs et de courtiers.
Les hommes voyageaient dès lors par fer et ferries.
Il y eut des pertes d'hommes dans ces transports : 70 hommes périrent lors du naufrage du steamer HILDA en 1905.
Les Anglais émus par le jeune âge de beaucoup d'entre eux - 9, 10 ans - les appelèrent Johnny "petit Jean" et les marchands d'oignons se sont appropriés le nom en s'appelant eux-mêmes "AR JOHNNIGED" : les Johnnies.
Les oignons étaient tressés en bottes de 4 kg enfilées sur un bâton porté à l'épaule.
Les tresses étaient faites par des "botteleurs" dans un "magasin" servant à la fois d'entrepôt pour les oignons et de logement pour les botteleurs et vendeurs.
L'ensemble de ces hommes constituait une "compagnie" dirigée par un "master".
Ces compagnies pouvaient avant la guerre de 1914 comporter jusqu'à 60 hommes. Après 1920, les compagnies se réduisirent à moins de 10 hommes et jeunes de 12, puis 14 ans.
La bicyclette qui se développa dans les années 1930 libéra les épaules des Johnnies et popularisa leur image : béret, sourire et oignons ruisselant en chapelets sur les guidons qui portaient jusqu'à 150 kilos d'oignons.
Des camions ou "lorries" facilitèrent plus tard cette vente "à la chine" directement auprès des ménagères britanniques qui acceptaient de payer plus cher cet oignon breton eu égard à sa qualité gustative et à sa bonne conservation.
Quelques femmes ont suivi leur mari Outre-Manche.
Cependant, la majorité restait à Roscoff, tenue par les rythmes scolaires des enfants.
Les femmes des "paysans-Johnnies" assuraient, en outre, la récolte d'oignons d'août.
En septembre, elles faisaient sécher au soleil et au vent la graine d'oignon, puis elles effectuaient les achats d'oignons pour un deuxième ou troisième chargement.
En avril, c'était aussi des escouades de femmes qui "repiquaient" les oignons dans les fermes : ar piketerezed.
Et, après la récolte d'août, les enfants avaient pour tâche de glaner les petits oignons pour que leurs mères en fassent des "piglens", adaptation "roscovite" des pickles, condiments au vinaigre des Anglais.
P'tite môman.